Sahih Al Boukhari - Hadith n°0007


D’après ‘Abdallah ibn ‘Abbas que Abou-Sofyân-ben-Harb a raconté qu’il fut mandé par Héraclius à l’époque où il se trouvait en Syrie à la tête d’une caravane de marchands qoraïchites, et au cours de la trêve (la trêve de Houdeibiya) que le Prophète (ﷺ) avait conclue avec lui et les infidèles de Qoraïch. Les envoyés d’Héraclius arrivèrent auprès d’Abou-Sofyân au moment où l’empereur et sa suite se trouvaient à Ilya (transcription arabe de la première partie du nom que portait à cette époque Jérusalem, Elia Capitolina.) Entouré de grands personnages grecs, Héraclius convoqua les Qoraïchites dans sa salle de réception ; puis, il les fit introduire en sa présence et invita son interprète à leur dire : « Lequel d’entre vous est le plus proche parent de cet homme qui prétend être prophète (ﷺ) ? — C’est moi répondit Abou-Sofyân. — Qu’on fasse approcher cet homme de moi, dit l’empereur ; qu’on fasse également rapprocher ses compagnons et qu’ils soient placés contre son dos. » Alors, s’adressant à son interprète : « Dis-leur, reprit-il, que je vais interroger cet homme sur le prétendu prophète (ﷺ) ; si cet homme ment, ses compagnons devront relever ses mensonges. » En faisant ce récit, Abou-Sofyân ajouta « Par Allah ! si je n’avais eu honte de voir relever mes mensonges par mes compagnons, j’aurais hardiment menti sur son compte. La première question qui me fut posée fut la suivante : « Quel rang sa famille occupe-t-elle parmi vous ? — Elle jouit d’une grande considération, répondis-je. —Quelqu’un parmi vous, poursuivit Héraclius, a-t-il jamais tenu avant lui de semblables propos ? —Non. — Quelqu’un de ses ancêtres a-t-il régné ? —Non, répliquai-je. —Ses partisans se recrutent-ils dans les hautes classes ou parmi les humbles ? — Parmi les humbles. —Leur nombre augmente-t-il ou va-t-il en décroissant ? —Il augmente. — En est-il parmi eux qui après avoir adopté sa religion la prennent ensuite en aversion et apostasient ? — Non. — Le soupçonniez vous de mensonge avant qu’il ne tînt les discours qu’il tient aujourd’hui ? —Non. — Trahit-il ses engagement ? —Non ; mais nous avons conclu une trêve avec lui en ce moment et nous ignorons comment il se conduira au cours de cette trêve. » Cette réponse ajouta Abou-Sofyân, fut la seule dans laquelle je pus glisser une insinuation contre Mohamed.

« Poursuivant ses questions, Héraclius dit : « Avez-vous été en guerre avec lui ? — Oui, répondis-je. —Quelle a été l’issue des combats livrés ? — La guerre entre nous a eu des alternatives ; tantôt c’est lui qui l’a emporté sur nous, tantôt c’est nous qui l’avons emporté sur lui. — Et que vous ordonne-t-il donc ? — Il nous dit de n’adorer que Allah seul ; de ne lui associer aucun être ; de renoncer aux croyances de nos pères. Il nous ordonne de prier ; d’être de bonne foi ; d’avoir des mœurs pures ; de rester unis avec nos proches. » Alors Héraclius chargea son interprète de dire à Abou-Sofyân : « Je t’ai interrogé sur sa famille et tu m’as répondu qu’il était de bonne naissance. Or les envoyés d’Allah ont toujours été choisis parmi les plus nobles du peuple chez lequel ils remplissaient leur mission. Je t’ai demandé si quelqu’un parmi vous avait tenu de semblables discours, et tu m’as répondu que non. Alors en moi-même j’ai pensé que si quelqu’un avant lui avait tenu les mêmes propos, je pourrais croire que cet homme ne faisait qu’imiter les enseignements de ses prédécesseurs. Je t’ai demandé si parmi ses ancêtres il y en avait eu un qui eût régné et tu m’as dit que non. En posant cette question je pensais que, si un de ses ancêtres avait régné, cet homme cherchait à remonter sur le trône de ses pères. Je t’ai demandé si, avant qu’il vous tînt ses discours, vous le soupçonniez d’être un menteur et tu m’as répondu que non. J’ai compris par là que s’il n’était pas homme à mentir à l’égard de ses semblables il ne pouvait mentir à l’égard de Allah . Je t’ai demandé si ses adeptes se recrutaient parmi les grands ou parmi les humbles et tu m’as répondu que c’était parmi les humbles. Or c’est toujours eux qui forment les partisans des prophètes. Je t’ai demandé s’ils augmentaient en nombre ou s’ils diminuaient et tu m’as répondu qu’ils allaient en augmentant. Or c’est bien là le propre de la foi de croître jusqu’à sa complète évolution. Je t’ai demandé si quelques-uns d’entre eux après avoir embrassé la foi s’en détournaient avec horreur et la reniaient et tu m’as répondu que non. Et c’est bien ainsi qu’agit la quand sa grâce pénètre dans les cœurs. Je t’ai demandé s’il manquait à ses engagements et tu m’as répondu que non. Il en est ainsi des prophètes, ils ne trahissent point. Je t’ai demandé ce qu’il vous ordonnait et tu m’as répondu qu’il vous ordonnait d’adorer Allah, de ne lui associer aucun être, qu’il vous défendait d’adorer des idoles ; qu’il vous prescrivait la prière, la bonne foi et la pureté des mœurs. Si donc ce que tu dis est vrai, cet homme conquerra cet endroit même que foulent mes deux pieds. Je savais d’ailleurs que cet homme allait bientôt paraître, mais je ne supposais pas que ce serait l’un d’entre vous. Quant à moi, si je savais pouvoir parvenir jusqu’à lui, je ferais tous mes efforts pour l’aller trouver et dès que je serais auprès de lui je laverais la poussière de ses pieds. »

Ensuite Héraclius donna l’ordre d’apporter la lettre que le Prophète (ﷺ) avait fait remettre par Dihya au gouverneur de Bosra et que ce dernier lui avait transmise. Il lut la lettre qui était ainsi conçue : « Au nom d’Allah , le Clément, le Miséricordieux. De la part de Mohamed, l’adorateur d’Allah et son envoyé à Héraclius le chef des grecs. Salut à quiconque suit la bonne voie. Ensuite. Je t’appelle à la foi musulmane ; convertis-toi à l’islam, tu seras sauvé et Allah  te donnera une double part de récompense. Si tu te détournes de l’islam tu seras en outre responsable du péché commis par tes sujets. « Ô gens de l’Ecriture, venez à l’appel d’une parole qui vous est commune à nous comme à vous, à savoir que nous ne devons adorer qu’Allah et ne lui associer aucun être ; qu’aucun de nous n’en prenne quelque autre comme souverain suprême à l’exclusion d’Allah. S’ils se détournent à cet appel dites-leur : « Soyez témoins que nous sommes musulmans » (sourate III, verset 57).

Abou-Sofyân poursuit son récit en ces termes : « Lorsque Héraclius eut prononcé les paroles qui viennent d’être rapportées et qu’il eut achevé de lire la lettre du Prophète (ﷺ), un grand tumulte se produisit dans son entourage et des cris violents retentirent. On nous fit alors sortir et pendant que nous sortions je dis à mes compagnons : « Il faut que les affaires du d’Abou-Kebcha aient pris de l’importance puisque le prince des Benou-‘l-Asfar le redoute. » Et depuis ce jour jusqu’au moment où Allah m’imprégna de l’islam, je demeurai convaincu du succès de Mohamed.

Ibn-En-Nâtour, gouverneur de Ilya, ami d’Héraclius et évêque des chrétiens de Syrie, raconte ce qui suit : « Héraclius, de passage à Ilya, se leva un matin de fort méchante humeur. Un de ses patrices lui dit alors : « Nous voyons avec peine que tu n’as pas ton air accoutumé. » Ibn-En-Nâtour ajoute que Héraclius, qui était devin et qui observait les astres, répondit alors à l’observation qu’on venait de lui faire : « Cette nuit, en regardant les astres, j’ai vu que l’avènement du prince des circoncis venait d’avoir lieu. Quelles sont donc les nations actuelles qui pratiquent la circoncision ? — Les Juifs seuls, répondirent les courtisans, pratiquent la circoncision. N’aie donc pas la moindre inquiétude à leur sujet. Ecris dans toutes les villes de ton royaume pour ordonner qu’on mette à mort tous les Juifs qui s’y trouvent. »

Ils en étaient là de leur conciliabule, quand se présenta à Héraclius un messager du prince de Ghassân chargé d’annoncer à l’empereur l’apparition du Prophète. Après avoir interrogé ce messager Héraclius dit à ceux qui l’entouraient : « Allez examiner cet homme et voyez si oui ou non il est circoncis. » L’examen terminé, ils déclarèrent à Héraclius que le messager était circoncis. L’empereur lui ayant alors demandé si les Arabes étaient circoncis et la réponse ayant été que oui, il s’écria : « Ce que j’avais vu, c’était donc l’avènement au pouvoir de ce peuple. » Ensuite il écrivit à un de ses amis dont la science égalait la sienne et qui habitait Rome, puis il se mit en route pour Emèse. Il n’était pas encore arrivé dans cette ville qu’il reçut de son ami une lettre qui confirmait l’idée qu’il avait eue de l’avènement de Mohamed et du caractère prophétique de sa mission. Alors Héraclius convoqua tous les grands personnages grecs dans la grande salle intérieure de son palais d’Emèse et, après en avoir fait fermer les portes, il se plaça dans un endroit élevé et dit : « Peuple grec, désirez-vous le bonheur ? Voulez-vous être dans la voie droite et conserver votre suprématie ? Eh bien ! prêtez serment de fidélité à ce Prophète (ﷺ) ! » En entendant ces mots les Grecs avec la furie d’ânes sauvages, se ruèrent vers les portes, mais ils les trouvèrent fermées. Désespérant alors de les amener à la foi, Héraclius donna l’ordre de ramener tout le monde devant lui et dit : « Le discours que je viens de vous tenir n’avait d’autre but que d’éprouver la force de votre attachement à votre religion ; maintenant je suis édifié. » Les Grecs se prosternèrent aussitôt devant lui et lui marquèrent leur satisfaction. Ainsi finit cette aventure de Héraclius.
(Rapporté par Al Boukhary dans son Sahih n°7)

عن عبد الله بن عباس، أخبره أن أبا سفيان بن حرب أخبره أن هرقل أرسل إليه في ركب من قريش وكانوا تجارا بالشأم في المدة التي كان رسول الله صلى الله عليه وسلم ماد فيها أبا سفيان وكفار قريش، فأتوه وهم بإيلياء فدعاهم في مجلسه، وحوله عظماء الروم ثم دعاهم ودعا بترجمانه فقال أيكم أقرب نسبا بهذا الرجل الذي يزعم أنه نبي فقال أبو سفيان فقلت أنا أقربهم نسبا‏.‏ فقال أدنوه مني، وقربوا أصحابه، فاجعلوهم عند ظهره‏.‏ ثم قال لترجمانه قل لهم إني سائل هذا عن هذا الرجل، فإن كذبني فكذبوه‏.‏ فوالله لولا الحياء من أن يأثروا على كذبا لكذبت عنه، ثم كان أول ما سألني عنه أن قال كيف نسبه فيكم قلت هو فينا ذو نسب‏.‏ قال فهل قال هذا القول منكم أحد قط قبله قلت لا‏.‏ قال فهل كان من آبائه من ملك قلت لا‏.‏ قال فأشراف الناس يتبعونه أم ضعفاؤهم فقلت بل ضعفاؤهم‏.‏ قال أيزيدون أم ينقصون قلت بل يزيدون‏.‏ قال فهل يرتد أحد منهم سخطة لدينه بعد أن يدخل فيه قلت لا‏.‏ قال فهل كنتم تتهمونه بالكذب قبل أن يقول ما قال قلت لا‏.‏ قال فهل يغدر قلت لا، ونحن منه في مدة لا ندري ما هو فاعل فيها‏.‏ قال ولم تمكني كلمة أدخل فيها شيئا غير هذه الكلمة‏.‏ قال فهل قاتلتموه قلت نعم‏.‏ قال فكيف كان قتالكم إياه قلت الحرب بيننا وبينه سجال، ينال منا وننال منه‏.‏ قال ماذا يأمركم قلت يقول اعبدوا الله وحده، ولا تشركوا به شيئا، واتركوا ما يقول آباؤكم، ويأمرنا بالصلاة والصدق والعفاف والصلة‏.‏ فقال للترجمان قل له سألتك عن نسبه، فذكرت أنه فيكم ذو نسب، فكذلك الرسل تبعث في نسب قومها، وسألتك هل قال أحد منكم هذا القول فذكرت أن لا، فقلت لو كان أحد قال هذا القول قبله لقلت رجل يأتسي بقول قيل قبله، وسألتك هل كان من آبائه من ملك فذكرت أن لا، قلت فلو كان من آبائه من ملك قلت رجل يطلب ملك أبيه، وسألتك هل كنتم تتهمونه بالكذب قبل أن يقول ما قال فذكرت أن لا، فقد أعرف أنه لم يكن ليذر الكذب على الناس ويكذب على الله، وسألتك أشراف الناس اتبعوه أم ضعفاؤهم فذكرت أن ضعفاءهم اتبعوه، وهم أتباع الرسل، وسألتك أيزيدون أم ينقصون فذكرت أنهم يزيدون، وكذلك أمر الإيمان حتى يتم، وسألتك أيرتد أحد سخطة لدينه بعد أن يدخل فيه فذكرت أن لا، وكذلك الإيمان حين تخالط بشاشته القلوب، وسألتك هل يغدر فذكرت أن لا، وكذلك الرسل لا تغدر، وسألتك بما يأمركم، فذكرت أنه يأمركم أن تعبدوا الله، ولا تشركوا به شيئا، وينهاكم عن عبادة الأوثان، ويأمركم بالصلاة والصدق والعفاف‏.‏ فإن كان ما تقول حقا فسيملك موضع قدمى هاتين، وقد كنت أعلم أنه خارج، لم أكن أظن أنه منكم، فلو أني أعلم أني أخلص إليه لتجشمت لقاءه، ولو كنت عنده لغسلت عن قدمه‏.‏ ثم دعا بكتاب رسول الله صلى الله عليه وسلم الذي بعث به دحية إلى عظيم بصرى، فدفعه إلى هرقل فقرأه فإذا فيه بسم الله الرحمن الرحيم‏.‏ من محمد عبد الله ورسوله إلى هرقل عظيم الروم‏.‏ سلام على من اتبع الهدى، أما بعد فإني أدعوك بدعاية الإسلام، أسلم تسلم، يؤتك الله أجرك مرتين، فإن توليت فإن عليك إثم الأريسيين و‏{‏يا أهل الكتاب تعالوا إلى كلمة سواء بيننا وبينكم أن لا نعبد إلا الله ولا نشرك به شيئا ولا يتخذ بعضنا بعضا أربابا من دون الله فإن تولوا فقولوا اشهدوا بأنا مسلمون‏}‏ قال أبو سفيان فلما قال ما قال، وفرغ من قراءة الكتاب كثر عنده الصخب، وارتفعت الأصوات وأخرجنا، فقلت لأصحابي حين أخرجنا لقد أمر أمر ابن أبي كبشة، إنه يخافه ملك بني الأصفر‏.‏ فما زلت موقنا أنه سيظهر حتى أدخل الله على الإسلام‏.‏ وكان ابن الناظور صاحب إيلياء وهرقل سقفا على نصارى الشأم، يحدث أن هرقل حين قدم إيلياء أصبح يوما خبيث النفس، فقال بعض بطارقته قد استنكرنا هيئتك‏.‏ قال ابن الناظور وكان هرقل حزاء ينظر في النجوم، فقال لهم حين سألوه إني رأيت الليلة حين نظرت في النجوم ملك الختان قد ظهر، فمن يختتن من هذه الأمة قالوا ليس يختتن إلا اليهود فلا يهمنك شأنهم واكتب إلى مداين ملكك، فيقتلوا من فيهم من اليهود‏.‏ فبينما هم على أمرهم أتي هرقل برجل أرسل به ملك غسان، يخبر عن خبر رسول الله صلى الله عليه وسلم فلما استخبره هرقل قال اذهبوا فانظروا أمختتن هو أم لا‏.‏ فنظروا إليه، فحدثوه أنه مختتن، وسأله عن العرب فقال هم يختتنون‏.‏ فقال هرقل هذا ملك هذه الأمة قد ظهر‏.‏ ثم كتب هرقل إلى صاحب له برومية، وكان نظيره في العلم، وسار هرقل إلى حمص، فلم يرم حمص حتى أتاه كتاب من صاحبه يوافق رأى هرقل على خروج النبي صلى الله عليه وسلم وأنه نبي، فأذن هرقل لعظماء الروم في دسكرة له بحمص ثم أمر بأبوابها فغلقت، ثم اطلع فقال يا معشر الروم، هل لكم في الفلاح والرشد وأن يثبت ملككم فتبايعوا هذا النبي، فحاصوا حيصة حمر الوحش إلى الأبواب، فوجدوها قد غلقت، فلما رأى هرقل نفرتهم، وأيس من الإيمان قال ردوهم على‏.‏ وقال إني قلت مقالتي آنفا أختبر بها شدتكم على دينكم، فقد رأيت‏.‏ فسجدوا له ورضوا عنه، فكان ذلك آخر شأن هرقل‏.‏ رواه صالح بن كيسان ويونس ومعمر عن الزهري‏.‏‏
(رواه البخاري في صحيحه رقم ۷)
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